L'ange Gabriel semble recueillir à l'orée de sa bouche un objet non visible. Il va l'accompagner, cet objet, la voix, de ses doigts délicats et lents, jusqu'à son destinataire, et lui déposer dans l'oreille. Idéal d'une transmission fidèle qui ne retiendrait ni n'altèrerait en aucune façon le message transmis : seul l'ange peut réussir cela, parce que lui, il ne sait pas ce qu'il fait.

Fra Angelico donne au visage de l'ange, à ses mains, à ses habits une beauté émouvante, il l’environne d’une infinité de dorures (le fond byzantin, la décoration complexe de sa robe, son auréole stylisée, ses ailes qui alignent plusieurs rangées de plumes splendides), il choisit des couleurs vives (rose vif, orange, vermillon) ... Peut-on croire que cette luxuriance concerne l’ange? Probablement pas. Mais alors quoi? Est-elle un signe de l’Annonciation? Est-elle l’avenir christique de l’humanité? Est-elle la munificence de dieu? Tout cela sans doute, dans l’esprit du moine. Mais surtout, elle est la chair magnifique de la voix.

Elle tient négligemment un livre qu'elle ne lit pas. Elle semble ne rien attendre, elle ne tourne pas la tête vers l'ange, et pourtant elle est à l'écoute, dans l'expectative. Elle a l'air d'une jeune fille à peine pubère, sans formes. Se rend-elle compte de l'auréole qui l'entoure et du fond doré qui se détache derrière elle? Sans doute. Mais cela ne l'effraie pas. Elle n'est ni exaltée, ni soumise, elle est prête, comme si cette voix avait été depuis toujours en réserve.