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CinéAnalyse : Place aux pères qui nous ont lâchés                     CinéAnalyse : Place aux pères qui nous ont lâchés
Sources (*) : Abraham, le patriarche               Abraham, le patriarche
Sergueï Dmytryk - "La beauté de la lettre", Ed : Galgal, 2007, Page créée le 23 février 1993

 

La sacrifice d'Isaac (Tiepolo, 1726-29) -

Il faut sacrifier sa lignée pour entrer dans l'alliance

   
   
   
                 
                       

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Qui sait à quoi Abraham pensait quand il conduisait son fils Isaac sur la montagne? Il faut sacrifier cet enfant pour préserver l'alliance. Mais sans enfant, plus de lignée, et sans lignée, à quoi sert l'alliance? Abraham ne se pose pas la question. Il le faut, et nous, nous devons faire l’opération inverse : sacrifier la lignée de nos ascendants. Pour entrer dans l'alliance, nous devons accepter de nous éloigner de ce qui nous a été transmis (comme cela est montré, par exemple, dans le film Les lois de la famille). Personne ne saura jamais quelle est l’opération la plus douloureuse.

L'alliance à laquelle je fais allusion n'est pas celle des Hébreux. Elle n'est pas non plus la nouvelle alliance des Chrétiens ni celle imaginée pour le futur, l'alliance messianique. Non, c'est beaucoup plus simple. C'est l'alliance qui, dès aujourd'hui, permet au présent de ne pas finir en impasse. Celle alliance-là suppose une renonciation, un sacrifice.

Inutile de te sacrifier, ta lignée a déjà disparu, pour la simple raison qu'il n'y a plus de lignées. Ce n'est pas une catastrophe, c'est une évolution inéluctable. Les filiations sont perdues, les familles n'ont ni père ni mère et pour ainsi dire pas d'enfants non plus. Une famille livrée aux désirs des sujets, soumise à la règle de l’égalité qui supprime tout partage des rôles, déchargée de toute fonction éducative, dans laquelle le divorce filial est mis sur le même plan que le divorce parental, est-elle encore une famille? Et s'il n'y a plus de famille, quelle filiation construire sur ce champ de ruines?

On ne sait pas ce qu'on construit, mais on sait qu'on aura à sacrifier sa lignée. Idée terrible. Que ce soit vers l'amont ou vers l'aval, c'est insupportable.

 

 

Lacan (dans son séminaire unique sur les Noms du Père) se référait probablement à la michna 6 du Chapitre 5 du Pirqé Avot lorsqu'il disait (à propos du sacrifice d'Abraham) : "Selon la tradition rabbinique, le bélier dont il s'agit est le bélier primordial. Il était là - hassé mimé berechit - dès les six jours de la création, ce qui le désigne pour ce qu'il est : un Elohim. Ce n'est pas celui dont le nom est imprononçable, mais tous les Elohim. Celui-là est reconnu comme l'ancêtre de la race de Sem - donc des origines".

Dix choses furent créées la veille du Sabbat, à la croisée du jour et de la nuit, à savoir : la bouche de la terre, la bouche de la source, la bouche de l'ânesse, l'arc-en-ciel, la manne, le bâton, le chamir, l'écriture, le style et les tables de la loi. D'autres disent aussi : Les démons, la tombe de Moïse notre maître, le bélier d'Abraham notre père. Et d'autres disent encore : Des tenailles faites pour forger d'autres tenailles.

Que veut dire, dans la bouche de Lacan : "dès les six jours de la création"? C'est le temps d'avant la création, le temps d'avant l'acte, d'avant l'alliance, d'avant qu'Abraham ne rompe avec sa propre lignée. Alors, comme il le dit à la fin du séminaire, il n'y avait "pas de différence entre le oui et le non", et pourtant le bélier, l'ancêtre-totem, était déjà là.

Voilà le point où Freud s'est arrêté : le Dieu premier terme, origine totémique de la lignée, sans voir que ce que l'on désigne par la voix est autre chose. Voilà le terme où Lacan (à l'exemple d'Abraham) ne s'arrête pas : rompre avec sa propre filiation, avec sa propre origine biologique, sacrifier le bélier de ses ancêtres.

Le bélier dont il s'agit, le bélier du sacrifice, présente une caractéristique spéciale : ses cornes s'étendent au-delà de ses sabots (Pirqé Avot p83). Est-il au-delà ou en-deça de l'alliance? Il est l'un et l'autre.

Quand s'arrête la création? A quel moment la fabrication du monde s'achève-t-elle? Est-ce à la fin du sixième jour ou à la fin du septième? Si le repos était, en tant que repos (chabat) un acte vrai de création, alors le monde ne commencerait à exister qu'à la fin du septième jour. Mais le Pirqé Avot dresse la liste des dix dernières choses créées la veille du chabat. “A la croisée du jour et de la nuit”, à l'instant où le chabat tombe, dans le temps initial où le repos commence, là serait l'origine des dix choses, la cause des causes. Ce temps d'achèvement est la fin de la création. Après les six jours mais avant le septième est un temps de basculement, un temps de passage, une limite à partir de laquelle commence l'origine des causes. La liste apparemment disparate qui va de la bouche de la terre aux moyens de production (des tenailles faites pour forger d'autres tenailles) n'a pas d'autre unité que celle-là : le point final mis à la création, ce point à partir duquel les filiations s'ordonnent. La se trouve le bélier d'Abraham, ancêtre de la tribu de Sem.

Mais tout cela, cet achèvement, cette clôture, cette cause des causes, tout cela n'est-il pas pure illusion? Cette limite n'est-elle pas imaginaire? Le repos, la seconde absence de yhvh, la répétition de son retrait, ne feraient-ils pas pleinement partie de la création, plus encore même que les six premiers jours? S'il en était ainsi, considérer les dix choses comme autant d'origines serait pure idolâtrie. Les six premiers jours étant hors-temps (car il n'y a pas de temps avant le chabat), il n'y aurait pas plus de point-limite du temps que de démons, de bélier-totem ou de tombe de Moïse.

Le boeuf qu'offrit le premier homme, le taureau qu'offrit Noé et le bélier qu'Abraham notre père offrit à la place de son fils sur l'autel, avaient tous des cornes qui s'étendaient au-delà de leurs sabots, comme l'indique le verset : "Abraham leva les yeux et vit , voici : derrière lui s'étaient prises les cornes d'un bélier" (Gen. 22,13). (Pirqé Avot p83).

Dix choses furent créées à la croisée du jour et de la nuit : l'arc en ciel, les comètes, les nuages, la source, la manne, le bâton, la bouche de la terre, la bouche de l'ânesse, la verge d'Aaron et la caverne. D'autres disent aussi : la tombe de Moïse notre maître et le bélier d'Abraham notre père. Rabbi Josué ajouta à son tour : La peau et le chamir. Rabbi Néhémia ajouta enfin : La lumière et la mule [de Balaam]. (Pirqé Avot p403)

Le contexte dans lequel Lacan écrit, en cette fin d'année 1963 (qui met en cause sa place dans l'institution psychanalytique), se prête particulièrement à une méditation sur la filiation.

Abraham prophétisait sans le savoir, comme il est écrit : "Abraham dit à ses serviteurs : Restez ici avec l'âne; moi et le garçon nous irons jusque là-bas pour adorer, puis nous reviendrons vers vous". Il n'a pas dit : Je reviendrai vers vous, mais : Nous reviendrons vers vous. Il prophétisait qu'Isaac notre père était destiné à revenir. (Pirqé Avot p431)

 


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