En tant que le cinéma est un art, il donne accès à un au-delà du perçu. Il fait apparaître une dissidence avec le réel, il ouvre un monde. Pour oeuvrer le monde, il ne se modèle pas en présentation ou en représentation des choses, il produit un intervalle qui fracture l'image et contrarie la ressemblance. Le figuratif est porteur de nouveauté, il crée un événement plus plastique qu'optique. Il réalise la déréalité. C'est le cas par exemple dans Le rayon vert d'Eric Rohmer (1986), quand le cours du film est brisé par un fondu au noir a-narratif et a-représentatif qui cimente toute la scène. En faisant tache, il brise le cours du temps et fait venir un autre temps dont personne n'avait idée. On peut analyser ce processus à partir du "figural", un concept que Lyotard développe dans Discours, figure à propos de la peinture, mais sans l'appliquer au cinéma. Est figural ce qui arrive à l'image sans être figuratif (optiquement visible) ni figuré (lisible ou articulable) [concept à rapprocher de la figure de Georges Didi-Huberman]. Ce n'est ni du sens, ni de la ressemblance, mais une force, une lésion, une atteinte à l'image qui marque sa présence, ses effets formels ou informels, souvent inconscients. Des puissances de visualisation brutes, inattendues, cassent les mesures et les codes figuratifs et laissent émerger la chair vive de la visualité. Le figural est aussi une puissance de défiguration.