Jean-François Lyotard rejette la conception narrative, mimétique et iconique qui prévaut dans le cinéma de grande diffusion. Selon lui, ce cinéma-là n'est pas un art, mais une mise en ordre, un produit de cette manie de reproduire, de réparer et de conserver qui caractérise aussi certains courants de la peinture. A ce cinéma qui privilégie les mouvements moyens, ceux qui sont déjà connus de la perception ordinaire, il oppose l'acinéma, qui présente des mouvements aberrants, inédits, dont il distingue deux types paroxystiques :

- 1. Par excès : le mouvement qui fait de la perception un flux d'images non reconnaissables, dans le sillage de la peinture abstraite. La figure fait l'objet d'une agression externe. Le savoir ne peut plus la maîtriser. Elle explose. Le spectateur est fasciné. Il reste coi, passif. Exemple : le cinéma de Stan Brakhage.

- 2. Par défaut : la représentation figurative est fissurée, minée de l'intérieur. Elle tend vers l'immobilité, vers la rigidité du tableau vivant, la paralysie. Le spectateur réagit par l'agitation : il s'impatiente, il trépigne. Exemple : Andy Warhol dans Sleep (enregistrement de cinq heures et demie de sommeil).

Le film de Warhol montre son amant du moment, John Giorno, en train de dormir sur une durée de cinq heures.