Pour traiter le sujet "Religion et media", Jacques Derrida choisit de commencer son intervention par une référence à un récit biblique : Le sacrifice d'Isaac. Il oppose d'un côté le judaïsme et l'Islam - pour lesquels ce récit "reste la référence majeure", et de l'autre le christianisme, pour qui ce récit ne fait qu'anticiper une médiation, celle du Christ. Dans le texte biblique, Abraham garde le secret, il reste silencieux sur ce que Dieu lui a dit. Le contenu de l'alliance ne doit pas être énoncé et diffusé dans l'espace public - ni à la famille, ni à la communauté, ni à d'éventuels disciples, ni à personne d'autre. Pour que l'alliance d'Abraham reste absolument singulière, unique, inconditionnelle, il ne faut pas de témoin. Ce silence contraste avec la médiatisation d'aujourd'hui, qui prolonge la diffusion évangélique des nouvelles dans l'espace public. Comme dans l'eucharistie où Dieu devient réellement visible, les médias se présentent comme des témoins. Qui est le responsable d'une émission, de sa production, de sa diffusion? Qui a fabriqué l'information? Cela est passé sous silence.

Comme il n'y a pas de témoin responsable, tout se passe comme si c'était Dieu lui-même (une source inconnue, sans nom) qui avait laissé l'information se diffuser par ces médiateurs anonymes.