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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, le dégoût, le vomi                     Derrida, le dégoût, le vomi
Sources (*) : "Je m'éc." (Glas) m'auto - affecte               "Je m'éc." (Glas) m'auto - affecte
Jean Genet - "Ce qui est resté d'un Rembrandt déchiré en petits carrés bien réguliers, et foutu aux chiottes", Ed : Chemjn de fer, 2013, pp13-15

 

Une photo de Stanislas Witkiewicz, datŽe de 1914 -

Par les yeux, je m'écoulais de mon corps dans celui du voyageur en même temps que le voyageur s'écoulait dans le mien - et je demeurai écoeuré, dégoûté

   
   
   
               
                       

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Cette phrase tente de résumer l'expérience décrite par Jean Genet sur la colonne de gauche de son texte Ce qui est resté d'un Rembrandt déchiré en petits carrés bien réguliers, et foutu aux chiottes. Il voyage dans un wagon de troisième classe. Il voit devant lui un homme laid, sale, les vêtements froissés, la bouche gâtée, envoyant au sol des crachats. Cet homme le dégoûte, mais soudain il le regarde dans les yeux, il sent son regard se fondre dans le regard de l'autre, et alors il a une révélation : Tout homme en vaut un autre.

"Son regard n'était pas d'un autre : c'était le mien que je rencontrais dans une glace, par inadvertance et dans la solitude et l'oubli de moi. Ce que j'éprouvais je ne pus le traduire que sous cette forme : je m'écoulais de mon corps, et par les yeux, dans celui du voyageur en même temps que le voyageur s'écoulait dans le mien. Ou plutôt, je m'étais écoulé, car le regard fut si bref que je ne peux me le rappeler qu'avec l'aide de ce temps verbal". (pp13-14).

Après avoir exprimé son dégoût, Genet ajoute :

"Qu'est-ce donc qui s'était écoulé de mon corps - je m'éc... - et qu'est-ce qui de ce voyageur s'écoulait de son corps?" (pp14-15).

C'est cette étrange abréviation, "Je m'éc..." qui attire l'attention. Qu'elle renvoie à "Je m'écoule" ou à "Je m'écoeure", elle est réflexive. Bien que l'apparence de cet homme ne soit pas identique à celle de Genet, il se sent identique à cette forme, qui pourrait être celle de tous les hommes. C'est un dégoût de lui-même qui le prend, puis une profonde tristesse. Il garde cette blessure secrète en lui. Chaque enveloppe est singulière, mais les uns et les autres ne font qu'un.

"L'idée que je circulais dans chaque homme, que chaque homme était moi-même me causait du dégoût" écrit Genet (p26).

Mais c'est aussi cette idée, cette idée même, capable de détruire tout désir, tout érotisme, qui l'a conduit vers Rembrandt.

Un regard, un visage, ici celui de Stanislas Witkiewicz (1914).

 

 

A lire et relire ce texte, on comprend que Jacques Derrida en ait fait le point de départ de Glas. Bien que le narrateur ait eu, un instant, l'impression de se voir comme dans un miroir, l'expérience n'a rien de spéculaire. Cet autre moi-même, identique à moi-même, est radicalement hétérogène. Je ne m'y reconnais pas, il me dégoûte, et pourtant c'est moi. Je m'éprouve en lui dans la béance d'une bouche, où Je suis (cf Jean-Luc Nancy, Ego sum, p151), mais ce n'est pas une bouche qui parle, c'est une bouche qui crache. Dans le système logocentrique, cette bouche qui suscite le dégoût est innommable. C'est l'autre absolu, indicible, auquel aucune représentation ne peut se substituer. Elle n'est pas idéalisable. Pour le narrateur, c'est le tout autre, et pourtant il ne peut pas s'empêcher de penser que c'est, aussi, lui. Si Tout homme en vaut un autre, l'hétéro-affection est aussi auto-affection. Dans l'expérience de Genet, le rapport à l'autre homme n'est ni éthique, ni transcendant. Rien n'est plus fragile que la singularité.

Or cette expérience décrite par le narrateur est rapprochée de l'oeuvre de Rembrandt. Ces personnages un peu bovins, qui dégagent une odeur d'étable, de fumier, ces filles au gros cul qui digèrent, sentent, chient, ce sont elles qui font oeuvre.

"Pour Rembrandt, toute son oeuvre me fait penser qu'il ne lui suffisait pas de se débarrasser de ce qui l'encombrait pour réussir cette transparence dite plus haut [celle qui pousse à vouloir être rien], mais de le transformer, de le modifier, de lui faire servir l'oeuvre" (p14).

Rembrandt passe son temps devant la glace, mais ce n'est pas pour son image, c'est pour la peinture comme telle (p22). Par sa folie de barbouilleur, en se reconnaissant comme un être de chair, de viande, de sang, de larmes, il détermine notre regard.

Mais Genet se méfie de lui-même, il ne veut pas être soupçonné de dire la vérité. Ce sont seulement ces sortes de vérités, celles qui ne sont pas démontrables et même qui sont "fausses" , qui doivent être exaltées par l'oeuvre d'art, avait-il annoncé dès le début. Tout ce qui pourrait ressembler à une élévation, à une transcendance, détruirait l'oeuvre d'art. Sur ce point, la démarche de Genet dans ce texte ne diffère pas de celle de Glas.

 


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