A la "mission" confiée par le ministre Jean-Pierre Chevènement à un groupe de philosophes coordonné par Jacques Derrida, celui-ci répond, dans le texte qu'il signe et intitule "Coups d'envoi", dans le champ sémantique auquel ce mot, mission, est associé : missive, émission, envoi, lettre, finalité, destinataire. Il organise son texte autour d'un autre mot du même champ, un schème qu'il écrit au pluriel et en lettres capitales, DESTINATIONS. En effet si la philosophie, aujourd'hui [c'est-à-dire en 1982], fait retour, c'est [selon Derrida] pour se mesurer à une série de problèmes qui tournent autour de la destination : quelle est la destination de la vie, de l'homme, quels sont nos buts éthiques, bio-éthiques, politiques, qu'est-ce que la transmission, la télécommunication, l'envoi, le don de langues, de messages, quelle est l'actualité des eschatologies (utopie, religion, révolution, téléologie), les finalités de l'enseignement, de la recherche, de la philosophie elle-même, etc...

La philosophie, les sciences, les arts, la finalité, le langage, la traduction, le transfert, la transversalité (entre différentes philosophies), l'université, l'institution, la recherche et l'enseignement, Jacques Derrida aurait voulu que tout cela soit pensé, pendant les quatre premières années du Collège international de Philosophie, à partir de ce schème, destin, destinée, destination. On peut douter que ce désir ait été exaucé. Ce n'est pas d'un collectif ni d'une unité de recherche qu'on peut attendre une telle élaboration, mais d'une oeuvre.