Vouloir soumettre les citoyens au droit - c'est-à-dire conserver le droit - est une fin légale pour laquelle la violence est autorisée. Walter Benjamin critique cette violence dans son principe et pas simplement dans la façon dont elle est appliquée, comme le font les pacifistes ou les anarchistes. Il ne suffit pas d'invoquer la liberté ou l'impératif kantien (qui en reste, comme le droit naturel ou le droit positif, à une logique moyen/fin) : "Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours comme une fin, et jamais simplement comme un moyen", car dans la personne de chaque individu, ce qui est en cause est chaque fois l'humanité dans son ensemble. Le droit protège les lois et coutumes et aussi tout ce qui appartient à son ordre, y compris la violence conservatrice.

Si l'origine du droit est la violence, alors la violence suprême, celle qui dispose de la vie et de la mort, est celle où les origines de cet ordre se font sentir avec le plus de force. La signification de la peine de mort est moins de punir la violation du droit, que de donner un statut au droit, de renouveler ses fondements. La vie comme telle ne dépend plus de l'ordre divin, mais de sa pourriture ou de sa corruption : des lois qui, en liant la faute et la culpabilité, actualisent une violence originelle, mythique et omniprésente (le destin).