Nicolas Abraham et Maria Török distinguent le concept métapsychologique de Réalité (avec un grand R) de la réalité courante. Pour le sujet "cryptophore", ce porteur de crypte qui enterre la réalité (ou une partie de la réalité) dans des blocs refoulés et désavoués, la réalité est déguisée, méconnaissable, maquillée, escamotée, innommée. Elle est enfouie dans une crypte, et c'est cette crypte que les auteurs qualifient de Réalité. Alors que l'hystérique est confronté à l'interdit auquel il répond par des mots ou par les symptômes qui matérialisent ces mots, le cryptophore est confronté à quelque chose qui demeure caché, inavouable. Cette chose-Réalité, assimilée à un délit, un crime, ne peut pas être désignée par des mots. Rompre l'innommable entraînerait un cataclysme qui risquerait d'engloutir et le sujet et le monde.

Où se trouve ce lieu où le secret est enfoui? Dans une enclave, un caveau, un tombeau entre l'Inconscient et le Moi. Le gardien du tombeau est le Moi. Le secret ne pouvant ni être réduit en poussière, ni renaître, rien ne peut sortir de la crypte sous forme de paroles. Certains mots sont hors-circuit. Seule une longue analyse (comme celle que les auteurs ont (re)faite du cas de Freud, L'homme aux Loups),pourra faire revenir dans le circuit ces mots comme désirs refoulés, désirs de ne pas dire, symboles.