Sur la reproduction ci-contre du portrait d'Emile Zola par Manet (1868), on peut voir, de façon extrêmement vague, un trait clair à gauche de l'estampe japonaise de Kuniaki II, qui représente un lutteur de sumo. Il s'agit d'une plume de paon plantée derrière le cadre. Elle dessine un arc juste au-dessus de la tête de l'écrivain. Alors que Zola regarde un point indéterminé, hors champ, l'oeil de cette plume de paon semble regarder le spectateur. Michael Fried fait cette observation pour rapprocher cet oeil du cercle vide et abstrait qui semble, lui aussi, regarder le spectateur dans Courses à Longchamp. Dans le coin supérieur droit du tableau, on peut aussi voir une reproduction de l'Olympia - un autre oeil orienté, paraît-il, vers Zola, et non pas vers le spectateur comme dans l'original.

Une des particularités des gravures japonaises ukiyo-e est que les acteurs, courtisanes, beautés ou autres lutteurs, aux traits exagérés et grimaçants, ont un caractère théatral. C'est un point commun avec la pose de certaines photographies de l'époque. Les unes comme les autres produisent instantanément, d'un coup, une impression puissante - accentuée par les contours continus, les zones clairement démarquées, les contrastes abrupts d'ombre et de lumière. Les photographies réalisées de cette façon donnent l'impression qu'elles proviennent de la réalité elle-même - ce qui était l'effet recherché par Manet, et peut-être l'explication de son intérêt pour les estampes japonaises - partagé par la génération de 1863.