D'un côté, dit Arthur Danto, il y a les rives de l'art, et de l'autre côté celles de la vie. Et voici que certains habitants d'une rive veulent coloniser l'autre. Ils le font en désordre, de manière inorganisée, improvisée et bâclée. Les autres habitants de la même rive (les artistes plus traditionnels) réagissent d'abord à cette menace par le rejet, puis par la cooptation. Mieux vaut désarmer ces trublions en les intégrant dans les institutions du monde de l'art (le musée, le théatre d'avant-garde, le marché). C'est une façon de les ramener au bercail, de les rendre inoffensifs.

Mais ces artistes-là ne se contentent pas de déranger (ce qui a toujours existé). Déranger en montrant quelque chose de dérangeant ne fait pas quitter le cadre agréable du monde de l'art. On se contente de mettre à l'écart les réalités dérangeantes, à la façon d'un crucifixion dans l'art chrétien [devant laquelle on passe sans la voir]. Un art de la perturbation agit autrement, il subvertit cette fonction. Il ouvre de véritables brèches dans les frontières qui isolent l'art de la vie : "par l'obscénité, la nudité, l'excrément, la mutilation, le danger réel, la douleur véritable, la mort possible" (p157), ces éléments hétérogènes, c'est tout l'échafaudage qui peut s'écrouler.

Cette photo a été prise en 1965. Il est possible que Rudolph Schwartzkogler, mort en 1969, aie succombé aux mutilations qu'il s'était infligées à lui-même - mais la cause de sa mort n'est pas claire.