Aux Etats-Unis, la crise de l'éducation, qui se traduit par une baisse constante des niveaux, est devenue un problème politique [Hannah Arendt écrit dans les années 1970]. En première analyse, on est tenté de considérer que ce n'est qu'un problème local, spécifiquement américain, lié au fait que ce pays d'immigrants ne peut s'homogénéiser que par l'école. Mais cet aspect n'est pas essentiel. Ce pays neuf accorde la plus grande importance aux générations nouvelles. Non seulement les enfants entrent directement dans le monde nouveau, mais en plus ils y attirent les adultes. Est-il possible de fonder un nouvel ordre sans s'appuyer sur la continuité historique du monde ancien?

Sous la bannière du progrès de l'éducation, on a révolutionné en Amérique les méthodes d'éducation. Les théories pédagogiques les plus modernes, fondées sur l'égalité et le droit à l'éducation, ont été mises en oeuvre à grande échelle. La scolarité est obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans, sans qu'aucune sélection ne soit faite. Entre les enfants "doués" et "non doués", aucune distinction n'est acceptée. Un tel nivellement ne peut se faire qu'au détriment de l'autorité du professeur. Quand le monde des enfants devient autonome, alors c'est lui-même qui détient l'autorité, et l'adulte est privé de contacts avec lui. L'enfant se soumet complètement au groupe et devient incapable d'initiatives. Il ne peut ni discuter ni se révolter contre le groupe, et réagit par le conformisme ou la délinquance juvénile.