Telle est la thèse défendue par Walter Benjamin dans l'Origine du drame baroque allemand (1928). Il rejette le principe organiciste et biologique du "phénomène originel" chez Goethe et propose de penser la science comme un art. De même que l'art se montre tout entier dans chaque oeuvre particulière, la science se manifeste toute entière dans chacun des objets qu'elle étudie - tout en renonçant à la visée d'une connaissance totale.

La contradiction entre l'objectivité du savoir et la subjectivité de la réflexion ne saurait être résolue que dans l'expérience esthétique. Enracinée dans la subjectivité, cette expérience découvre des formes qui constituent comme un alphabet sémantique (idées ou monades) à partir duquel on peut déchiffrer le texte du monde. Ce ne sont pas des catégories générales, abstraites, mais des phénomènes particuliers, des moments singuliers inclassables, irréductibles à un genre, dans lesquels ont peut découvrir le cristal du devenir, dans sa totalité.

L'Être étant discontinu et ne se dévoilant à nous que dans la diversité, on ne peut concevoir la vérité que dans un horizon de pluralité irréductible, celui des expériences que nous en avons (comme Franz Rosenzweig l'avait déjà soutenu, dès 1919).

Pas plus que les expériences esthétiques, les idées ne peuvent s'additionner. Elles ne constitueront jamais un système homogène, mais elles peuvent entretenir entre elles un rapport de coexistence de type musical.