La souveraineté moderne est fondée sur la fiction selon laquelle il suffit de naître pour appartenir à une nation. Mais le réfugié et l'apatride font exception (à l'exception du réfugié politique reconnu comme tel). Pour eux, les droits de l'homme (qui ne sont en pratique que les droits du citoyen) n'ont pas de sens. Quand la Société des Nations et plus tard l'ONU instaurent des systèmes d'aide en leur faveur, ils le font à travers des organismes sans caractère politique, mais à but "humanitaire et social". Ces organismes se sont toujours montrés incapables de résoudre le fond des problèmes. Comme le Haut Commissariat pour les réfugiés (créé en 1951), ils entretiennent une solidarité secrète avec les forces qu'ils devraient combattre. Pour eux, la vie humaine ne devient objet d'aide et de protection qu'en tant qu'exposée au meurtre.

L'action des organismes humanitaires, extérieure aux règles de la citoyenneté politique, reproduit la fonction du camp isolé, espace pur de l'exception, lieu de la vie sacrée au sens de l'homo sacer. Pour sortir de cette logique, il faut considérer le réfugié pour ce qu'il est : un concept-limite qui met radicalement en cause les catégories fondamentales de l'Etat-Nation. En partant de ce concept, on peut déblayer le terrain pour renouveler ces catégories.