Elicha ben Abouya, l'Autre (Aher), a rompu avec le judaïsme après être revenu du Paradis. Pourtant le talmud ne l'ignore pas. Il l'évoque en précisant qu'il inspirait à ses élèves, y compris à Rabbi Meïr, un autre grand maître, le plus grand respect. Et si son altérité ouvrait des perspectives qui deviendront acceptables plus tard, dans une autre époque inconnue? Et si le modèle actuel [à l'époque du talmud] n'était valable que pour la culture en place? Et s'il fallait reconnaître la légitimité de principe d'une pensée singulière? Et s'il anticipait sur d'autres personnalités, par exemple R. Nahman de Braslav? Une société juste n'est pas une société qui a adopté, une fois pour toutes, des lois justes, c'est une société où la question de la justice reste constamment ouverte.

Selon Elicha Ben Abouya, le monde n'est pas déterminé une fois pour toutes. L'être est ouvert, en devenir, auto-altération, promesse. Il faut l'interpréter, selon le troisième niveau d'interprétation du texte (drach, qui a donné midrach). L'histoire n'est pas raisonnable. Elle est explosion, scission, rupture, éclatement.

L'homme est un dissident, mais c'est aussi un paradoxe et une énigme.