Les activistes de l'anti-art comme Mondrian ou Dubuffet se voulaient les derniers des artistes. Leurs descendants continuent dans la même veine : ils divisent la peinture par zéro, mais à condition que cette division se poursuive pour un temps infini. Avec eux l'art arrive à sa fin, mais il n'y a pas de fin pour l'anti-art. Les événements de mai 1968 en France ont changé la donne. Si, un demi-siècle après que la fin de l'art ait été déclarée, l'art est remplacé par l'événement public, alors c'est tout le jeu qui est mis en question. L'art est vraiment menacé de disparition. On n'attaque plus seulement le marché, les musées, les critiques ou l'enseignement de l'art, mais l'art et la culture eux-même. Cette activité individuelle, artisanale, incomprise de la majorité des gens, qui ne profite qu'à une petite minorité d'amateurs ou d'investisseurs conditionnés par le culte de la personnalité et de la signature, doit être remplacée par la confrontation et la vie quotidienne, identifiée à la poésie. Si, pour l'homme de la rue, l'art est un obstacle à la créativité, il suffit d'un appareil photographique ou d'une caméra pour le reléguer au statut de passe-temps ésotérique d'une élite. Avec l'avant-garde prennent fin toutes les ruses de ceux qui s'auto-observent et vont jusqu'à dénier leur propre existence. Mais la possibilité de s'éloigner de la culture des foules prend fin elle aussi.

Oeuvre de mai 68 "Sous les pavés, la plage".