Le système des Beaux-Arts s'est construit au 18ème siècle sur l'idée utopique d'un espace public où des hommes égaux émettraient des jugements de goût singuliers, qu'ils pourraient partager universellement. Cet espace était politique. Kant désirait un lien social qui repose sur la raison, la sensibilité, la culture et l'art; pas sur le calcul égoïste, l'utilité, l'obéissance, la tradition ou la croyance aveugle. Mais la démocratie radicale d'aujourd'hui met en question les "égalisations" culturelles. Les publics sont divers, les différences peuvent être antagoniques, et les groupes sociaux sont en compétition. Il y a pourtant un ciment social, mais il provient d'autres normes (le karaoké, l'imaginaire cinématographique, les grand-messses sportives ou télévisuelles, les groupes de rock et de rap, le système fiscal, ...).

Détaché de toute légitimité, découplé du monde social, l'art pour l'art peut devenir un mode de consommation, de jouissance et (ou) de rêve. Il peut être dénoncé comme escroquerie, et son caractère "sacré" comme un fantasme. On peut renoncer au dogme de l'Etat culturel. Les citoyens peuvent se passer du Grand Art. Moyennant quoi ceux qui sont attachés à une forme d'art peuvent la pratiquer, la défendre, l'encourager.

Photo prise peu après l'ouverture du Centre Pompidou à Metz (juillet 2010).