Le corps est, par l'imagination, le lieu des images; mais il est aussi, par son apparence extérieure, un support (médium) pour ces images. Dans les cultures primitives, il est souvent peint. Par nos mimiques et nos vêtements, nous masquons nos sentiments. Nous donnons à voir une image dissimulatrice. Toutes sortes d'artefacts du corps ont cette fonction, y compris les statues, tableaux et photographies. Le masque n'est pas une image du corps, mais un moyen de séparer le corps de son image. Il faut que le visage soit masqué, soustrait à l'ordre naturel, pour que le corps puisse être iconisé. Le masque est constitué d'une matière propre qu'on peut contempler indépendamment, comme un portrait. Il est la métonymie de la métamorphose de notre corps dans une image. Comme toute image, il est ambivalent (entre la présence et l'absence, entre la vie et la mort).

Le vrai visage n'est pas celui que le masque cache, mais celui qu'il fait exister, celui que nous pouvons lire symboliquement. Il faut le réglementer, le styliser, le conformer à une codification, pour qu'il devienne un signe social. Derrière lui se trouve un autre visage qui nous regarde, celui des ancêtres et des autres membres de la communauté. Par l'entremise d'une seule et même surface, le masque opère la dissimulation aussi bien que le dévoilement.

Masque sumérien (environ 3500 avant Jésus-Christ).