De même que le moi flotte, libre d'attaches, l'oeuvre d'art se dissoud. Elle n'a plus de langage ou de forme propre (comme le monument). De même que la vie quotidienne, le corps ou les représentations politiques, elle peut être lue comme un texte, pris dans un ensemble de textes de diverses sortes, de succession de fragments et de processus superposés au moyen de diverses intertextualités.

Les ensembles totalisants ne sont plus les cadres de l'analyse et de l'interprétation. Il n'y a plus de canons, de grands livres ni de chefs-d'oeuvre. Les oeuvres sont jetables. Ce sont des extraits du flux total, des collages souvent hétérogènes. Ce phénomène est particulièrement marquant pour l'art vidéo : il n'y a pas de canon vidéo et généralement même pas d'auteur. Un extrait vidéo (texte) se dégage d'un flux indifférencié et aléatoire d'autres textes. S'il s'isole, il peut se réifier en "oeuvre" et être l'objet de jugement esthétique. Mais il y a contradiction entre l'expérience presque hallucinogène de son visionnage et la tendance du spectateur à le réorganiser en scènes et séquences narratives.

Les anciens codes et formes de l'oeuvre ne sont présents qu'à titre résiduel, comme trace d'une clôture effacée ou oubliée. Le signifiant n'est guère plus qu'un vague souvenir d'un signe ancien (p142).