En devenant parlant, le cinéma a ouvert la possibilité du silence. Si tous les personnages sont capables de parler, ceux qui n'en sont pas capables font entendre leur mutisme. On leur suppose des qualités particulières : ils savent ce que d'autres ne savent pas, ils sont dépositaires d'un Grand Secret perdu.

Personnage marginal, le muet est le plus souvent un serviteur ou un instrument, mais il est plus proche du mystère que les autres. On ignore s'il ne peut pas parler, ou s'il ne veut pas parler. Il inscrit le doute, l'ubiquité. Est-il angélique ou diabolique? On ne connaît ni les limites de son pouvoir, ni celles de son savoir. On peut le retrouver partout en ignorant d'où il est venu, comme si son mutisme s'étendait au bruit qu'il fait en se déplaçant. Il pose des questions sans réponse, comme celle de l'identité ou de l'origine. C'est un témoin, un homme qui voit tout ou qui pourrait tout voir. Devant lui, tout le monde se sent coupable.

Il ne semble pas avoir de limites marquées. Corps sans voix, il renvoie à son inverse, la voix sans corps. Que lui manque-t-il? Une bande-son? Que fait-il lorsqu'il sort du champ? Il ne laisse aucun indice.

Persona (Ingmar Bergman, 1966).