Cassirer décrit la démarche sensualiste de Berkeley. Nous ne disposons au départ que de perceptions sensibles pour organiser l'espace. Comment faisons-nous? Nous mettons en relation différents types et quantités de perceptions pour construire des représentations. En passant de l'une à l'autre, nous déterminons des règles avec lesquelles nous construisons l'espace. Les signes de la langue se distinguent des sens par l'universalité et la régularité de leur arrangement.

Mais alors y a-t-il un espace objectif? Y a-t-il, dans l'espace, une vérité qui ne viendrait pas de l'humain? Tout se ramène-t-il à la subjectivité, ou bien certaines idées de l'entendement pur n'ont-elles pas leur origine dans les sens? Y a-t-il un seul espace (homogène, abstrait), ou une pluralité d'espaces aussi nombreux que les sens, comme le suggère l'énonce du problème de Molyneux? Pour la philosophie des Lumières (Condillac, Diderot, Voltaire ou Swift), chaque sens a son propre monde, chaque domaine de l'activité (intellectuel, moral, esthétique, religieux) a sa propre nature spirituelle. si nous étions dotés d'un nouveau sens, notre existence serait changée de fond en comble. Logique, morale, théologie, se résolvent en une anthropologie pure et simple (mais les philosophes des Lumières hésitent à franchir ce dernier pas, ils continuent à considérer l'idéalisme philosophique comme un scandale).