C'est la première chose que Derrida dit de la différance : on ne saurait l'exposer, la rendre présente. Elle est sous rature, elle, la différance, et aussi le est qui la qualifie, si on disait la différance est, lui aussi, le est, il est raturé (double rature) (et on devine que le n'est aussi, quand on dit n'est pas, est aussi raturé) - et d'ailleurs, elle ne se présente jamais comme telle car elle menace l'autorité du comme tel en général; avec la différance, il n'y a pas de comme tel comme tel, si l'on peut dire. Nous sommes donc, à un multiple degré, sous l'égide de la théologie négative. Qu'est-ce qu'elle n'est pas? Tout. Elle n'a ni essence, ni existence et ne relève d'aucune catégorie de l'étant, ce qui ne veut pas dire qu'elle soit ineffable (puisque Derrida en dit quelque chose, il en dit même énormément). Elle n'est pas un concept et même pas un mot, encore moins un nom, car elle est innommable, comme la trace. Elle n'a aucun nom dans notre langue, et si elle en a un, c'est dans une autre langue, une tout autre langue que nous ne connaissons pas.

On n'ose plus écrire : mais alors, qu'est-ce qu'elle est? Un mouvement peut-être? Une trace effacée, comme la trace?