La guerre est toujours possible. Elle suspend la morale et la rend dérisoire, elle dépouille les institutions de leur éternité, elle annule les impératifs, elle mobilise les absolus, elle interrompt la continuité des personnes et des identités, elle détruit l'identité du Même. La politique, dans son prolongement, est l'art de gagner la guerre par tous les moyens. Elle s'impose comme l'exercice même de la raison.

Ce qui se montre dans la guerre se fixe dans le concept de totalité qui domine la pensée occidentale. Les individus se réduisent à des porteurs de forces qui les commandent à leur insu.

La paix des empires sortis de la guerre repose sur la guerre. Pour que la certitude de la paix domine l'évidence de la guerre, cette paix ne suffit pas. Il faut une morale inconditionnelle et universelle : l'eschatologie de la paix messianique. Les philosophes s'en méfient. Elle ressort selon eux de l'opinion. Mais seule cette eschatologie met l'être en relation avec un surplus extérieur à la totalité, par-delà cette totalité.

La guerre s'impose, dans sa nudité et sa dureté, comme la vérité du réel. Elle déchire les mots et les images. On ne peut se soustraire à son ordre objectif ni prendre ses distances.

Il n'est pas étonnant que le monde actuel se reconnaisse dans des images de guerre. Elles sont plus que vraies : elles livrent l'essence de l'être.