Le sens des mots est indéterminé. Nous en sommes responsables. Cela vaut pour l'hébreu, qui favorise l'indétermination avec ses racines formées de trois consonnes, mais aussi pour tout texte, car tout texte est inachevé tant qu'il n'est pas lu. On ne peut le saisir, annuler sa transcendance. Comme le dit la tradition hassidique, Chaque lettre est un monde, chaque mot est un univers. En lisant lettre par lettre, en appréhendant l'espacement qui existe entre chaque lettre, en ouvrant le texte, en le spatialisant, on le libère de sa pesanteur typographique.

Même dans le langage quotidien, les mots ne se cristallisent pas en des solides parfaits. Ils rêvent. Ils se dispersent en des infinités de phrases. Ils s'éclatent sans qu'on puisse les récolter, les mettre à l'abri ni les conserver comme le voudrait le logos grec. Ils se parlent entre eux sans se réduire à un "vouloir-dire". Ils sont comme des oeuvres d'art : sans finalité, sans chemin défini à l'avance, sans soumission aux stéréotypes du discours,