Il y a de la séparation dans le mot "sexe" (section, apparenté à insecte), mais c'est une séparation qui fonctionne au-delà de toute arithmétique, une séparation qui n'oppose pas le séparé au non-séparé, une séparation qui différencie sans dissocier, qui divise sans trancher (stricture). Si elle sépare, c'est pour réparer aussitôt. Le séparé devient deux, et sans cesser d'être un séparé, il pare à cette séparation et devient réparation : tout se passe entre deux, entre séparation et réparation.

Les unités duelles se rassemblent. D'un côté leur séparation est infinie, irréparable, la paire est irrémédiablement dépareillée, mais d'un autre côté, ils sont ensemble, d'un commun accord. Ce qui les sépare, les unit [et les fait marcher] est la différence même qui survient entre eux deux, belle, incommensurable, impossible et énigmatique.

On peut comparer ce processus aux sociétés matriarcales que sont les fourmilières (pp90-91). Une fois par an, il se produit une folie, une fête de la différence sexuelle. La fourmi (féminin) se distingue-t-elle du fourmi (masculin)? Il y a division interne, différenciation, mais sans coupure, interruption et enchaînement. Ainsi en est-il de l'amour : il sépare-répare, il disjoint-ajointe, il conjugue sans garantie d'unité.