Derrida
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Les collectes de l'Orloeuvre
   
     
Le retour de Danel Qilen                     Le retour de Danel Qilen
Sources (*) : Une hantise qui vient               Une hantise qui vient
Ouzza Kelin - "Les récits idviens", Ed : Guilgal, 1988-2018, Page créée le 28 décembre 1996

 

Quai de l'hotel de ville, Paris (Atget) -

La réception de Bendito Sapintza

   
   
   
                 
                       

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- Bendito : Entrez donc!

Danel n’était pas en état de refuser.

- Bendito : Vous prenez quelque chose?

- Danel : Euh... Peut-être un verre d’eau, je vous remercie.

(Danel) Le fond de la boutique. A gauche il y avait une remise où je rangeais le matériel et plus loin la pièce au fourneau. C’est une immense salle maintenant. Ils ont démoli les cloisons. Il y a l’eau courante et le gaz. Plus besoin de fourneau. Un fauteuil à l’endroit où j’entassais les bûches, là où grimpaient mes fils et ma fille pour me regarder travailler. Ici depuis longtemps plus personne ne polit les verres. Mais que font tous ces gens?

- Bendito : Alors, vous avez vécu là?

Il réalisa son erreur.

- Danel : Dans ce coin, oui.

- Bendito : Dans une maison des bords du quai?

- Danel : Pas loin...

(Danel) Se taire. Pour ne pas se contredire une seule méthode : ne rien dire.

- Bendito : Vous êtes de passage?

- Danel : Euh... oui. C’est exact. Je suis de passage.

- Bendito : En voyage?

- Danel : Oui. En voyage.

(Danel) Ne rien laisser entendre. Enfouir les souvenirs sous une gangue de plomb.

- Bendito : Touriste?

(Danel) Si je suis touriste? Moi qui voyage sans cesse, je pourrais dire oui.

- Danel : Peut-être. Touriste. Qu’est-ce qu’un touriste?

- Bendito : Ah Ah! ça c’est une question. (Il se gratte la tête, se lève et théatralement désigne son interlocuteur). Vous Monsieur, vous êtes un voyageur. Donc vous voyagez n’est-ce pas? Mais un touriste, un touriste! Pensez-vous qu’un touriste voyage? Non monsieur, il ne voyage pas, il circule. Un touriste est un zombie qui consomme du moyen de transport et qui... d’ailleurs, quelle est sa destination? Tiens, dites-moi ce que vous en pensez. Quelle est la destination du touriste?

- Danel : Euh... des villes, des musées...

- Bendito : Non. (Le ton du vieil homme devient grave). Nulle part, le touriste va nulle part. Il est comme le rat de laboratoire qui progresse à pas comptés dans le labyrinthe sous le regard de l’homme de science, sauf qu’il n’est même pas motivé par sa propre pitance. Vous monsieur vous êtes étranger. Quel est le but de votre passage à Paris? Je l’ignore, mais je sens bien que vous habitez les lieux. Les touristes, qui les voit? Ce sont des êtres invisibles qui rendent visite au néant, des spectres irréels dont les déplacements sont purement factices.

Bendito lève les bras au ciel, dressé sur la pointe des pieds.

- Bendito : Ils font circuler monsieur, circuler! Et vous savez quoi? De l’argent, des avions, des trains, des cars, des hotels! Ils font tout circuler! Ils font même couler le béton sur les plages! Je vous le dis monsieur, le tourisme est un fluide glacial. C’est une liqueur toxique qui force à grossir les musées, qui propage les restaurants comme des mouches et fait éclore les piscines dans des champs de ruine. Mais ça ne leur suffit pas pour exister. Au bout du compte, les touristes n'ont aucune existence, ils ne circulent même pas. Après le passage du touriste qu’en reste-t-il, savez-vous ce qu’il en reste monsieur?

- Danel : Euh...

- Bendito : Une machinerie! Et quel genre de machinerie? Une machinerie dont le seul but est qu’après ce touriste-là vienne un autre touriste et puis un autre encore et encore un autre. C’est pourquoi lui-même, le touriste, je vous le dis, ne va nulle part. Vous monsieur vous n’êtes pas un touriste. Vous n’êtes pas là pour rien.

- Danel : Croyez-vous? Qu’est-ce qui vous fait croire ça?

 

 

- Frédéric (depuis le seuil de la porte) : De quoi parlez-vous?

Frédéric Chétiac salue Bendito et serre vigoureusement la main de Danel.

- Frédéric : Bonjour. Je vous dérange?

- Bendito : Frédéric calme-toi, tu vois bien que notre ami est fatigué.

- Frédéric : Pour le peu que j'ai entendu, j'ai l'impression que c'est toi qui le fatigue, avec tes théories.

- Bendito : Oui, mais il est resté silencieux. Ce n'est pas moi qui l'ai accueilli, c'est lui qui a fait l'accueil.

(Danel) Où suis-je tombé? Je suis ici chez moi. Mais qui sont-ils? Qui sont-ils?

- Frédéric : Je vais vous dire une chose. Ce vieillard-là, Bendito, je crois qu'il n'est presque jamais sorti de cet immeuble. Soixante-dix ans qu’il y habite! Ce quai de l'Idve qu'on peut voir des fenêtres, il ne l'a jamais parcouru entièrement.

- Bendito : Un quai comme celui-là n'est jamais entier, il ne se parcourt que par fragments.

- Frédéric : D’accord, d’accord. Donc il est jamais sorti de Paris. A-t-il jamais traversé la Seine? A-t-il jamais vu le bois de Boulogne? Ah Ah!

- Bendito : Seuls les touristes parcourent le quai de bout en bout, mais je ne suis pas sur leurs traces.

- Frédéric : Manquerait plus que ça! se faire petit toutou pour suivre les touristes, ouah ouah!

(Danel) Sur la question de l'accueil, il n'a pas tort Bendito, j'avais la même impression. Même si d'autres arrivent après moi, je serai toujours ici le dernier arrivé, et même si d'autres sont là depuis longtemps, c'est toujours moi qui porterai la charge de l'accueil. De quoi discutent-ils? ça n’est pas très clair. Mais si le vieil homme habite la maison depuis si longtemps, alors moi, qui me présente sous le nom de Danel Qilen dans la peau duquel je dois me mettre, je ne dois pas avoir vécu là, je ne peux pas avoir jamais vécu là. Attention. Ne pas se contredire. Ils vont bientôt se remettre à me poser des questions. Prendre les devants. Prendre les devants.

Silence. Sapintza, toujours debout, se frotte les yeux tandis que le jeune homme se balance sur un tabouret minuscule.

- Danel : Si vous avez une idée, je cherche un travail, n'importe quel travail.

- Frédéric : A vrai dire, Monsieur, votre petit accent m'intrigue. Je n'arrive pas à le situer.

- Danel : L'accent, c'est un reste, ce n'est pas un lieu.

(Danel) J'ai flotté dans tellement de langues que celle qu'on dit maternelle s'est mélangée dans les autres.

- Bendito : Frédéric, tu es indiscret. Il n'y a pas de panneau sur la porte, mais ici, la chasse aux langues est interdite.

Il n'y a plus d'échange, chacun regarde ailleurs.

- Frédéric : Il me semble que la question du travail est toujours restée hors-mur.

(Danel) Non, jamais, je n'ai jamais été hors-murs. J'ai toujours été là.

- Bendito : Nous passons notre temps a pousser les murs, dans un sens ou dans l'autre.

- Danel : Excusez-moi pour cette demande, je ne vous connais pas. Ce n'est pas pour ça que je suis entré ici.

(Danel) Je suis tellement las, fatigué. Qui me donnera l'hospitalité?

- Bendito : Ne vous en faites pas. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise raison de passer la porte, mais maintenant que vous l'avez passée, c'est irréversible.

- Frédéric : Quel genre de travail?

 


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