Derrida
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Derrida, la Shoah                     Derrida, la Shoah
Sources (*) : Derrida, sur sa vie               Derrida, sur sa vie
Jacques Derrida - "Séminaire "La bête et le souverain" Volume II (2002-2003)", Ed : Galilée, 2010, pp360-1

 

Proces de Nuremberg, 1945-46 -

Derrida, judaïsme, judéités

Jacques Derrida se rêve en avocat des puissants devant le Tribunal de Nuremberg : il doit parler pour les défendre des langues qui ne sont pas les siennes : grec, allemand, logos

Derrida, judaïsme, judéités
   
   
   
Derrida, la traduction Derrida, la traduction
               
                       

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Il est rare que Jacques Derrida raconte un de ses rêves. On est le 26 mars 2003 (dernière séance de son dernier séminaire), et il raconte un rêve qui date de quelques jours. L'invasion de l'Irak a commencé le 20 mars 2003. Le thème de cette séance qu'il est en train de rédiger, est Die Welt ist fort, ich muss dich tragen, la phrase d'un poème de Paul Celan qu'il a découverte au cours de l'été et qu'il commente depuis le début de l'année. Lors de la séance précédente, le 12 mars, il avait fait le lien entre deux mots trouvés chez Heidegger, Austrag (conciliation, qu'il rapproche du Je dois te porter celanien) et Walten, ce mot que lui seul a remarqué, qui marque la force, le pouvoir, la source de la différence ontologique heideggerienne. Là où le monde se perd (Walten), un monde peut advenir (Austrag). Dans le rêve, l'actualité vient se mêler à cette recherche. Depuis un siècle explique Derrida, toute guerre est mondiale (p358), y compris la guerre d'Irak. L'enjeu est chaque fois l'instauration d'un pouvoir et d'un droit souverains - le Walten. Il y va de la fin du monde, de la destruction de tout monde possible, et en même temps d'un arrangement, d'une mise en ordre juridique, morale et politique "résistant au non-monde de la mort et de la barbarie" (p359) (Austrag). Les politiques, les prêtres et les militaires y sont confrontés, mais ils sont incapables de se mesurer à cela. C'est là qu'intervient le cauchemar : Derrida lui-même, en avocat portant la parole et l'autorité de la philosophie (de Aristote à Heidegger), chargé de défendre les grands de ce monde, de Saddam Hussein à Bush, Blair et Sharon accusés de crime contre l'humanité. Le lieu où le rêve situe le procès ne trompe pas : c'est le Tribunal de Nuremberg. Parlant les langues de la philosophie, le grec et l'allemand, qui ne sont pas les siennes, Jacques Derrida est forcé, obligé d'assurer cette défense. Ces horribles personnages ont le droit d'accomplir ces crimes puisqu'ils sont à la place du pouvoir (walten). Le logos, tout le logos (sêmantikos et apophantikos) est à leur service. Le rêveur n'est pas seulement leur avocat, il est leur professeur, leur maître. Au réveil, il se dit qu'il faudrait enfermer tous ces perroquets à Guantanamo (y compris lui-même).

Les accusés du procès de Nuremberg.

 

 

Reprenons les éléments du rêve dans leur rapport à la phrase de Paul Celan et à la pensée derridienne en général.

- Le rêveur doit répondre à une exgence, un "il faut". Un devoir lui est assigné qu'il choisit sans le choisir. Il doit l'accomplir, même s'il se sent terriblement mal à l'aise, même si ce devoir le rend malade.

- ne parle pas sa propre langue, mais le grec ou l'allemand, la langue philosophique, que les accusés ne peuvent comprendre que si on leur traduit;

- exerce la profession d'avocat et non pas de professeur. Il s'agit moins de défendre les faibles (mêmes pas mentionnés dans le rêve) que d'accuser les puissants:

- n'intervient pas devant n'importe quel tribunal, mais le Tribunal de Nuremberg, celui qui juge la Shoah. Ces puissants sont donc tous assimilés aux nazis. Mais pour les guérir, il faudrait qu'ils suivent un enseignement de qui? De Heidegger, lui-même nazi. C'est l'ambiguité du rêve, qui explique peut-être que l'avocat échouerait. Il ne changerait rien à la guerre en cours.

- lui parle grec et allemand, mais les accusés, qui ne le comprennent pas, maîtrisent le logos. C'est comme s'il était lui-même privé de cette langue effective.

- Derrida se rêve comme héros, mais comme héros malade, impuissant. Sa mission est de défendre les pires criminels, et il en a honte, il se sent coupable.

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Ce rêve renvoie à l'ambiguité de la position de Derrida par rapport à la Shoah. D'un côté, il se pourrait que toute la pensée de la déconstruction ait été initiée, motivée par la Shoah, comme Derrida l'a parfois suggéré. Mais d'un autre côté, cette pensée prend appui sur Heidegger, ce criminel, ce nazi. Pour le défendre, il faut parler grec et surtout allemand, la langue du bourreau. Il faut renoncer à sa "propre" langue, cette langue maternelle qui n'est pas la sienne. Mais cette défense est aussi une accusation, car sans le passage par la philosophie grecque et Heidegger, on ne peut pas comprendre le nazisme. C'est ainsi que le rêveur est à la fois un héros et un traître.

 


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