Paradoxalement, alors qu'aujourd'hui la puissance d'archivation ne cesse de s'accroître, alors qu'elle donne de plus en plus de moyens pour anticiper la suite des événements, on a l'impression que l'horizon est fermé, qu'il n'y a pas d'avenir (no future). Si on accueille le nouveau, ce n'est pas en tant que nouveau, c'est pour pouvoir le garder, le capter, l'archiver. Appeler d'avance un événement, c'est le neutraliser, le réduire, le présentifier, le transformer en souvenir. C'est annuler l'avenir.

"Mais du même coup, cet accroissement, cette intensification de l'anticipation peut aussi bien annuler l'avenir. C'est le paradoxe de l'anticipation" (Echographies de la télévision, p118).

Cette fermeture ou annulation de l'avenir, qui est le pire danger, se trouve déjà inscrite dans l'effet d'horizon. Il donne l'impression que c'est déjà arrivé, que plus rien n'arrivera plus. C'est l'expérience de la mort comme étant déjà là, le sentiment qu'avant même la mort, on est déjà endeuillé. Cette structure d'anticipation ou structure d'horizon, qui était déjà connue des Anciens, bien avant les machines, connaît aujourd'hui un essor stupéfiant. Mais la mort est ce qu'on ne voit pas venir, et l'événement ce qu'on ne peut pas attendre. Entre l'anticipation et l'événement, nous sommes pris dans une béance, un hiatus.

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En tant qu'il exclut toute attente, l'événement s'oppose au désir.