Dans un article paru dans la revue Genre Humain n°35 (p291), Georges Didi-Huberman explique qu'entre les deux mots histoire et art, là où se croisent diachronie et synchronie, il y a une faille abyssale, une déchirure. Cet effet d'anachronisme est un paradigme fondamental de l'historicité en art. Exemple : Robert Morris s'appuyant en 1970 sur Donatello (qui a utilisé le moulage pour "Judith et Holopherne" vers 1453-57).

Privilégier le travail réel de l'oeuvre (la facture) sur la fonction académique fonctionne comme obstacle à l'histoire de l'art (au sens traditionnel, c'est-à-dire soumise à l'axiomatique humaniste (p297)). Contre cela, Georges Didi-Huberman défend la fécondité de l'anachronisme. Il fait apparaître la mémoire involontaire des oeuvres, leur ressemblance déplacée (par exemple : les pans de Fra Angelico ressemblent aux drippings de Pollock). Il porte une heuristique : faire travailler les moments différentiels, intempestifs, hétérogènes, avec scrupule et empathie, pour découvrir de nouveaux objets historiques, visibles mais mis à distance par l'histoire de l'art. Certes, l'anachronisme est dangereux, comme toute prise de risque (il est la bête noire de l'histoire, sa part maudite, son péché des péchés, sa vérité qui ne cesse de revenir). Mais l'image elle-même n'est-elle pas surdéterminée, polychronique?