1.

Le livre de Jacques Derrida sur le poète Paul Celan "Schibboleth", issu d'une conférence prononcée en octobre 1984 à l'International Paul Celan Symposium de l'Université de Washington, Seattle, commence par ces mots : "Une seule fois, la circoncision n'a lieu qu'une seule fois". Etrange début pour un livre consacré à un poète. Dès le départ, Derrida nous avertit : il ne traitera pas de la circoncision elle-même, mais de cette dimension dont il part, qu'elle n'a lieu qu'une fois. C'est cela qui donne à penser, c'est cela son thème, c'est cela le point commun entre la circoncision et le poème.

Elle n'a lieu qu'une fois, et cette fois unique où elle a lieu est en même temps la première et la dernière fois. Elle définit un temps, une date irrépétable. Comment dater une chose qui ne se répète jamais? Ce "non-répétable" est une citation de Paul Celan dans son poème "A la pointe acérée" : "Nach dem Unwiederholbaren, nach ihm, nach allem", Sur le non-répétable, vers lui, vers tout.

2.

Comme tout ce qui n'a lieu qu'une fois, la date résiste à la pensée. Elle est à la fois ce qui revient (la date anniversaire) et ce qui ne peut pas revenir (cette date-là, unique).