Avec l'ordinateur, il est devenu beaucoup plus facile de corriger un texte. Dans l'ancienne organisation de l'édition, qui impliquait des étapes et des intermédiaires, on faisait plusieurs versions, jusqu'au point où on décidait d'arrêter un texte et de l'envoyer à l'impression. Aujourd'hui, les corrections sont rapides et immédiates. Le temps d'arrêt existe toujours, mais ce temps de finalisation est moins nécessaire. Une autre possibilié s'annonce, celle d'une révision interminable, infinie, d'un texte qui pourrait rester indéfini. Tant que persiste la nécessité politique d'une légitimation par des instances autorisées, cette possibilité est mise en réserve, mais elle reste à l'horizon. Sous sa forme numérique, le texte est si facile à corriger, on peut si facilement couper-coller, annuler les traces des versions précédentes, supprimer le passé, les ratures et les surcharges, que la tentation de laisser le texte dans un état fluide, toujours transformable, ne peut pas être éliminée.

Le texte ainsi modifié semble toujours présent, objectif, lisse et sans cicatrice. Sur l'écran, il se donne en spectacle - même si sa pesanteur, sa résistance au temps, persiste par ailleurs.