Quand le cinéma est apparu, le système des Beaux-Arts pouvait sembler relativement stable. Puis les genres se sont multipliés (photo, vidéo, performance, body art, installation, etc.) et surtout l'art comme tel est devenu multiple. Ainsi le cinéma est-il à la fois image, musique, parole, mouvement. Dans ses films, Abbas Kiarostami abandonne la posture classique d'un "artiste" en face d'une "oeuvre" : il entre dans le film, en sort, y bouge, s'y déplace, s'y dédouble, il pose des questions, explique, entraîne le regardeur dans un voyage, un "mouvement à l'état pur". Dans cette cinématique, ce ne sont pas des formes qui sont engagées, ni des figures, mais le mouvement vers un ailleurs, vers un autre lieu non connu au préalable (comme l'objet cylindrique qui roule, sans but défini, dans Close up). Le regard mobilisé par le film est mis en mouvement, du regardeur vers le film, à l'intérieur du film et aussi comme regard filmant qui capte les images et les signes.

Jean-Luc Nancy repère trois types de tensions dans les films de Kiarostami :

- entre hommes et femmes,

- entre la mort et la vie,

- entre l'Iran ancien et l'Iran moderne.

Entre l'image et le sans-image, ces trois rapports s'emboîtent les uns dans les autres. Le film capte les mouvements entre eux, leur présence en train de se faire. Il est la capture de cette énergie.

L'un des objets roulants de Kiarostami.