Dans l'histoire déjà séculaire du cinéma, différentes problématiques, différents genres et mythes se sont succédés. Mais selon Jean-Luc Nancy qui écrit en 2000, ce qui arrive aujourd'hui est autre chose : une évidence, une nouvelle certitude du regard. Dans les lignées de la peinture, de la photo, du théâtre ou du spectacle, toutes les possibilités de représentation ont été parcourues : le rêve, l'illusion, la légende, les techniques d'image de tournage ou de montage. Le spectateur est fixé à l'intérieur d'une boîte. Son regard s'emboîte dans un autre regard : celui du réalisateur. Il est requis, appelé dans un monde, un réel au-devant duquel il doit se porter. L'image n'ouvre par sur une scène, mais sur le réel même. La vision n'est pas seulement formelle, symbolique, imaginative; elle est absorbée dans une "vision" du monde qui ne renvoie qu'à elle-même.

C'est la vie telle qu'elle se passe, qui ne va vers rien d'autre que le tournage d'un film ou la mort (le tremblement de terre de Et la vie continue). Le regard n'est pas mobilisé pour raconter une histoire, mais pour ouvrir les yeux. Il est porté à l'évidence de ce qui est juste, de ce qui s'impose.

La scène d'ouverture de "Close-up" (Abbas Kiarostami, 1990).

Cette possibilité soulignée par Jean-Luc Nancy existait depuis l'origine du cinéma, mais c'est aujourd'hui qu'elle se dégage en tant que nouvelle forme de présentation, conduite à l'égard du monde, ethos.