Souvent, les tableaux d'Ingres n'ont d'autre but que de libérer sa sensualité. Certaines formes sinueuses ou positions peu naturelles l'obsèdent depuis sa jeunesse. Ainsi les contours de la Vénus anadyomène (1808), qu'on retrouve dans La Source de 1856 (réputé être le plus beau Nu de la peinture française), ou ceux de la Grande Odalisque (1814), qu'on retrouve dans l'Odalisque à l'esclave (1842) (férocement critiqués à cause de quelques vertèbre surnuméraires). Quand Ingres est devenu le grand prêtre de l'orthodoxie académique, son idée de la beauté douce et continue s'est imposée.

Le Bain turc est l'ultime expression de l'orientalisme du vieux maître. Sa sensualité, avec force cuisses, seins et déhanchements, s'y exprime sans retenue. Au moment où la pudibonderie bourgeoise atteint son acmé (un an avant le Déjeuner sur l'herbe de Manet), l'académicien à redingote impose au public un érotisme franc et langoureux, comme si, [à l'orée de la modernité], il fallait conjurer la crainte victorienne cu corps.