Il est possible que l'angoisse originaire ne soit qu'une fiction ou un mythe, une abstraction nécessaire pour penser l'être. Pour accéder à l'être, il faut ignorer cette angoisse dont Nicolas Abraham dit qu'elle est impensable, non verbalisable, ou encore qu'elle est une métaphore de l'impossibilité d'être. Si l'on pouvait atteindre ce noyau originaire, ce serait la disparition de l'homme en tant qu'homme.

L'acte constituant de l'être (acte aussi inaccessible que l'angoisse elle-même) est celui qui, sur le mode symbolique, affirme l'identique ou le même. Dire que A = A et que A renvoie à B, c'est commencer. L'être premier ou Arché (arkhè) accomplit un acte de discrimination : dans sa tension vers l'être, il ne se suffit pas à lui-même. Ce renvoi de A à B est la forme la plus archaïque de l'ego. L'autre y est affirmé, avant de s'affirmer lui-même, par rapport à son autre.

Pour arracher l'être à l'angoisse originaire, l'ego doit réitérer indéfiniment son altérité. Le surgissement de l'ego a lieu, d'emblée, dans l'intersubjectif, et c'est là, dans cette relation dyadique [que Nicolas Abraham oppose lui-même au monadisme husserlien] que surgit le symbole.

Pour se protéger de l'angoisse, les deux éléments de la dyade originaire doivent réitérer l'acte de clivage. C'est la fonction du symbole, qui articule l'ego, le temps et l'autre.