L'archi-oeuvre n'est pas qu'un concept. Il y a un phénomène contemporain de l'archi-oeuvre qui ne concerne pas spécifiquement l'art contemporain, mais tout ce qui se présente, aujourd'hui, comme art : depuis les Arts dits "premiers" tels qu'il sont présentés à Paris au musée du quai Branly, c'est-à-dire aussi déconnectés que possible des champs du savoir; aux grandes machineries d'expositions du type "Claude Monet" telle qu'elle a été présentée au public au dernier trimestre 2010; aux expositions temporaires les plus classiques comme celles du Louvre ou de la Bibliothèque Nationale; aux oeuvres les plus actuelles telles qu'elles sont présentées, par exemple au palais de Tokyo; ou encore aux "performances" qui ne laissent d'autres traces que photographiques ou mémorielles. Je soutiens ici l'hypothèse que le genre importe peu. Pour qu'une oeuvre "accroche", pour qu'elle soit vécue comme singulière, incomparable, et non pas simplement comme un objet précieux ou une partie d’un corpus susceptible d’être « expliqué » par une branche de l'érudition ou de la connaissance, il faut qu'elle touche par quelque côté ou quelque dimension à l'"archi-oeuvre". Telle serait la contrainte de l'époque, et peut-être l'une des clefs de l'expérience "moderne" de l'art qui, dans la perspective retenue ici, ne se distingue pas de son expérience dite "post-moderne".