L'ordre autoritaire, toujours hiérarchique, ne se construit ni par la violence, ni par l'exercice du pouvoir, ni par l'argumentation. C'est une relation d'obéissance dans laquelle les places sont fixées à l'avance. Chacun reconnaît la justesse et la légitimité des liens traditionnels. Mais le doute général de l'époque moderne [ce doute hyperbolique dont Descartes avait déjà donné la description] a envahi tous les domaines, y compris la religion [comme l'ont montré Pascal et Kierkegaard]. Sa généralisation est devenue, après-coup, un événement politique de premier ordre.

La perte de la tradition n'est pas un oubli du passé. Le passé peut encore ressurgir dans toute sa fraîcheur. Mais cela n'empêche pas les traditions les plus ancrées d'être hantées par les paradoxes et l'absurdité. L'autorité reposait sur la permanence et le caractère durable de convictions qui n'ont pas résisté aux changements rapides et aux transformations du monde. Cette crise s'étend désormais à toutes les distinctions. Désormais chacun peut "définir les termes" dont il veut se servir, en modifier ses présupposés, ce qui fait que n'importe quoi peut prendre le nom de n'importe quoi d'autre.

Ni la violence, ni la religion ne peuvent restaurer une autorité perdue, car elles ne sont pas du même ordre.