Pendant 40 ans, dans le désert, à chaque repas, les Hébreux ont mangé de la manne. Mais mangeaient-ils tous la même chose? Et mangeaient-ils la même chose à chaque repas? Probablement pas. En effet le texte biblique indique que cette sorte de graine de coriandre blanche, qu'on trouvait comme une croûte sur la rosée du matin, avait le goût d'une galette au miel. Toutefois, selon le Midrach Rabba, cette galette, c'était chacun selon sa volonté, son désir, sa demande, sa préparation. La manne était partout la manne, mais on ne manquait d'aucune chose (davar). En la manne se trouvaient tous les goûts et chacun goûtait ce qu'il voulait : volaille, pain ou fleur de farine. Selon le talmud (Yoma 75a), la manne avait le goût de toute chose et aussi la consistance de cette chose - sauf pour le concombre, la pastèque, le poireau, l'oignon et l'ail, les produits pour lesquels les Hébreux avaient proféré une plainte explicite [mais ça n'a pas de goût, ça n'a pas de sens! Pourquoi sommes-nous dans le désert? Pourquoi mangeons-nous cette manne?]

Mais alors la manne, c'était quoi? Selon Marc-Alain Ouaknin, un signe capable de renvoyer à tous les signes. Ce signe était soit vide, soit absolument plein. Ne renvoyant à aucun signifié particulier, il était ouvert à tous les sens - comme l'est la question sur laquelle son nom a été construit : Qu'est-ce? (Man hou?).