Mireille Calle-Gruber reprend l'hypothèse de la vue de Jacques Derrida. Selon elle, le tableau ci-contre de Magritte, La reproduction interdite, en est l'emblème. Le mécanisme décisif de l'effet de représentation, c'est que la pensée est irrémédiablement incompatible avec la vue. Dès qu'il y a signification, un abîme s'ouvre. Le don de langue exige notre aveuglement.

L'image, ici, nous présente son envers. Elle tourne le dos à son modèle, mais lui ressemble quand même. Qu'il soit impossible de la retourner nous fait voir la tache aveugle, inaccessible derrière les yeux, dans laquelle nous ne pouvons pas nous reconnaître. Elle nous oblige à faire le deuil du face à face : Là où ça ne vous regarde pas, lisez! Voici une transgression qui rend perceptible le dispositif de l'aveuglement. A la place du miroir, se trouve une toile de peinture qui ne reproduit qu'elle-même : toile de toile qui tourne le dos au monde extérieur. Du coup le spectateur n'est pas devant la silhouette, mais derrière. Il est lui-même maintenu dans un statut de non-voyant.

Autre anomalie : le livre se reflète dans le miroir, de sorte qu'il semble se trouver devant la première silhouette, mais derrière la seconde. C'est une copie normale, un copyright, tandis qu'on peut dire de la silhouette qu'elle est une copie indue, pas du droit mais du don, un copygift.