Quelque part vers le milieu, un peu à gauche, il a jeté une croix (grecque) et une étoile à six branches, dans une disposition qui n'est pas sans rappeler l'organisation du village de son enfance. La croix est robuste, virile. Elle ressemble à un ouvrier ou un paysan. L'étoile est petite et lointaine, perdue dans l'immense étendue d'encre, presque oubliée, voilée par les millions de lettres, prières, insultes et reproches qui lui ont été adressés. Pour une fois elles sont unies, elles veillent ensemble, le judaïsme et le christianisme.

A propos de sa mère, Simon Hantaï écrit (p61) : "En 1947, l'allais présenter Zsuzsa, ma femme, à mes parents à Bia. Je tenais aussi fortement à la présentation de Zsuzsa à la Dame [une voisine juive qui était une amie de sa mère]. Elle a survécu, habitait dans une chambre récupérée dans la grande maison [pillée par les Russes], et je présentais à elle ma jeune femme juive, [qui avait] elle aussi survécu. Que dire encore? Ceci : ma mère était une femme souabe-juive [elle était catholique, elle parlait l'allemand avec le même accent que Heidegger, mais il arrive, comme le dit Cixous, qu'à travers de simples femmes hospitalières, les religions incarnées se fiancent]. C'est la conviction de Zsuzsa aussi depuis leur rencontre. Fortifiée depuis - et c'est ainsi qu'elle reste. Je l'ai vue la dernière fois à Paris, cité des Fleurs en 1963. Elle a vu l'Ecriture Rose. C'est après sa mort que j'ai reçu le tablier, que je t'ai montré".

Nous montrons ci-dessous un détail du tableau de Hantaï Peinture (Ecriture rose). Pendant un an, il a recopié des textes (la bible et les philosophes), puis quelques traces et signes s'y sont ajoutés.

Et Hélène Cixous d'ajouter : "Ta mère a eu du génie : elle t'a donné les deux mondes qui font le monde. Encore fallait-il que tu sois assez doué pour t'en emparer".