Pour restituer la vérité, il faut s'impliquer soi-même. Peut-être Capote n'avait-il pas cette opinion au départ, mais il n'a pas pu y échapper car il avait quelques traits communs avec Perry Smith et Dick Hickock, les tueurs (le film est basé sur l'histoire que raconte Truman Capote dans son livre "De sang froid" : le meurtre d'une famille entière par deux petits malfrats). Pour dire le vrai, il faut d'abord avoir accès aux accusés, et pour cela tous les moyens sont bons, y compris la manipulation et le mensonge. Donc, ces deux braves garçons avaient massacré toute une famille, et Truman Capote s'était mis dans la tête qu'il devait, lui, en rendre compte. S'il est une chose qu'on ne peut pas lui reprocher, c'est de s'être acquitté de sa dette.

Après avoir hâppé comme un vampire le sang des meurtriers, il aurait fallu qu'il s'en débarrasse. Il s'en serait délivré. Mais la justice a pris son temps, et quand finalement elle les a pendus, Truman Capote les avait complètement incorporés. Ils étaient en lui, il n'y avait rien à faire. Leur mort était sa mort, mais ils ne mouraient toujours pas. En définitive ils n'ont pas disparu par pendaison en 1965, mais par excès d'alcool et de drogues en tous genres en 1984. Qui pourrait leur envier ces 19 ans de survie?

A moins que ce soit faux? A moins que sur ce point aussi, il soit un menteur? Il n'a jamais hésité à mentir. Déjà par le titre : "De sang-froid", alors que le meurtre a été commis dans la panique, et aussi en prétendant les sauver, alors qu'il voulait simplement les transformer en encre d'imprimerie, et aussi en prétendant qu'il était comme eux, alors que lui, avant tout, était un écrivain mondain.