Contrairement à ce qu'affirme l'iconologie, on ne peut pas, dans la peinture chrétienne, faire correspondre une image et une signification. Cette peinture n'exprime pas un contenu, elle figure un mystère, celui du verbe divin prenant chair dans la personne de Jesus-Christ. C'est le mystère de l'Incarnation. Le christianisme affirme la visibilité de Dieu en tant que Christ. Pour échapper aux malfaisantes séductions de l'idolâtrie, il tire le visuel au-delà de lui-même - vers des régions qu'on qualifierait aujourd'hui d'imaginaires et de fantasmatiques. Ce corps du Christ est spirituel et mystérieux. Ce mystère le distingue d'un corps vulgaire et en fait un corps dissemblable, étranger.

La figure peinte doit imiter le paradoxe que constitue la visibilité du verbe divin, c'est-à-dire le Christ même, qui est le mystère du verbe incarné. Fra Angelico peignait des figures dans les corps au-delà des corps. Au-delà de l'aspect, il peignait l'eschatologique et le surnaturel. Son monde était celui de l'exégèse. En inventant des figures, il produisait toujours plus de sens sacré, il faisait tournoyer l'imaginaire autour de ce noyau central qu'était l'Incarnation.