On ne peut pas séparer la pensée de l'acte qui la produit. Il est rare qu'on réfléchisse d'abord et qu'on parle ensuite - parler et penser viennent en même temps, au fur et à mesure. Les deux sont concomitants. Il en est de même pour les écrivains : quand on écrit un texte, on part sur une idée, mais l'articulation de cette idée se fait quand on écrit. La pensée ne se détache pas de l'écriture; et pour le lecteur, elle ne se détache pas de la lecture. Il est probable qu'il en sera de même avec l'Internet. Quand les procédures se stabiliseront, on pensera dans le temps même où l'on produit des contenus pour l'Internet, et la pensée aura la forme de ces contenus. Il y aura convergence de la pensée et des réseaux, comme il y a convergence de la musique et de l'informatique.

En quoi est-ce qu'on peut penser à travers l'Internet? Il me semble que c'est principalement par les liens. L'Internet permet d'externaliser les associations d'idées, de les faciliter, de les multiplier. Après tout, associer est un travail qu'on peut partiellement confier à une machine.

Certains situent la pensée de l'Internet sur un plan collectif. Il y aurait une communauté pensante, continue, aux frontières floues. Mais peut-on vraiment penser collectivement? Probablement pas plus avec l'Internet qu'avec un simple livre. Il y a échange, communication, mais pas fusion. L'Internet influence ma façon de pensée, mais ne collectivise pas ma pensée.