Au départ, il y a une question sur la distinction entre "altérité pure" (celle de l'autre homme, du tout autre) et "altérité de médiation" (celle de l'interpellation, du dialogue, de l'effectivité), entre l'accueil irrépressible du singulier et la relation à l'autre. Laquelle faut-il honorer? Les deux, répond Derrida. Ce qu'il nomme négociation est une nécessité stratégique, mais tout dépend de ce qu'on entend par là, de la médiation qu'on détermine. Il faut de la diplomatie, mais il faut aussi qu'elle ne barre pas le passage à l'autre. Le paradoxe, c'est que ce passage rend la relation impossible, c'est un rapport sans rapport. Pour qu'il y ait désir, il faut que l'interlocution soit interrompue; il faut donc, pour entrer en rapport avec l'autre, que l'interruption soit possible. Il ne s'agit pas d'une médiation de type hegelien (apaisement, réconciliation, totalisation) qui effacerait l'autre, mais de la folie d'un rapport à l'autre sans compréhension ni intelligibilité.

C'est ici que Derrida introduit le mot différance, avec la lettre (a) (il insiste), qui le distingue du mot différence. Le (a) :

- suspend toutes les opposisions. La même altérité affecte la culture, l'esprit ou l'histoire en les inscrivant dans une économie. C'est la culture différante, l'esprit différant ou l'histoire différante. Toujours la même différance, qui peut être réappropriée dans le Un, dans une dialectique du même.

- marque ou nomme la différance radicale. L'anéconomie dit autre chose que l'opposition. C'est une différenciation qui ne peut pas se réduire en opposition,