D'où vient la conviction qu'ont les humains (ceux d'aujourd'hui) d'être supérieurs aux animaux, d'avoir le droit de les dresser, les domestiquer, les sacrifier, les manger? Au croisement des deux traditions de l'Occident, la grecque (le mythe de Prométhée) et la biblique (la Genèse), on trouve le thème d'une faute ou d'un défaut de l'homme qui l'autorise à revendiquer sa propriété sur la vie animale. Il a fallu qu'Epiméthée répare la faiblesse de l'homme, ou que Dieu laisse à l'homme solitaire (avant la création de la femme) la liberté de nommer les animaux, pour que cette violence soit légitimée. Depuis, cette logique grecque et abrahamique est restée invariante.

Devant la chatte qui le regarde sans un mot, Jacques Derrida s'interroge. Son silence est-il une protestation, un manque d'accès à l'être? Non. La chatte n'est pas privée de langage. Elle regarde depuis un autre temps, un temps sans culpabilité, avant les mots, avant le temps, avant la possibilité de la dette et de la rédemption.