A partir de 1954, sous l'influence de Jackson Pollock et d'Helen Frankenthaler, Morris Louis travaille la tache de couleur. C'est le staining : verser du pigment dilué sur la toile nue. En déversant des flots successifs de couleurs différentes sur le coton écru, de manière à laisser visibles les limites et les transitions, Morris Louis fait apparaître des changements de nuances, des sortes de figurations, mais sans émergence d'aucun objet tangible qu'on pourrait avoir l'impression de toucher. L'illusion produite est celle d'une succession de limites qu'on peut franchir continûment. Les teintes varient, mais la couleur est ininterrompue. C'est une nouvelle substance qui émerge, une autre substance, un cinquième élément

Le geste de Morris n'est pas celui du dessin (contrairement à Pollock, dont les gesticulation peuvent s'apparenter à celles d'un dessinateur), mais d'une imprégnation. Il fait couler, et les couleurs s'assimilent à la surface du tissu. Il ne laisse qu'un espace très restreint sur les bords et accroche des sortes de franges (espaces de transition), pour qu'on n'ait pas l'impression qu'un objet se détache. Les voiles ne se découpent pas sur la toile.

Ce tableau fait partie de la série des Veils (Voiles) que Morris Louis a interrompue pendant quelques années puis reprise en 1958.

- MAX : Morris Louis délimite des zones, mais à nos yeux ces zones ne définissent pas des objets. La substance dont elles sont faites n'est pas objectale.

- ROBERTA : Une limite qui joue des tours, qui délimite sans délimiter, c'est un symptôme de notre époque.