Le subjectile, dit le dictionnaire, est la surface sur laquelle un matériau va être enduit ou projeté (son support). Derrida emploie le mot corps. La naissance d'une oeuvre est un événement unique, car c'est alors que le subjectile se fait corps. Pour Artaud l'oeuvre naît sans naître. Elle reste pré-natale, innée (elle ne naît pas, elle est en train de naître). Dans son expérience, le corps (le subjectile) n'est pas séparé [délivré], mais traversé, jeté entre l'objectif, le subjectif, l'introjection, l'interjection, la projection ou l'abjection. Le subjectile reste dans le mouvement de l'entre-deux, dans une tension entre le jet et l'arrêt. Artaud se jette à corps perdu, compulsivement, dans cette expérience. Il gît, s'étale dans le subjectile, parfois il le crève. C'est une membrane, une peau à perforer, mais qui résiste. Il est attaqué, mais ne se soumet pas. Même étendue, inerte, couchée à terre, l'oeuvre institue, elle jette des fondations.

Hypothèse de travail annoncée par Derrida : une différence instable et réversible se joue entre deux situations du subjectile. 1. Il est être-jeté. 2. Il est jetant. Il exaspère et tient en haleine, il est visible et invisible, en-deça et au-delà. Par fonction, il est cette hypothèse.