C'est la thèse défendue par Hans Magnus Enzensberger dans un texte paru en 2006 : Le perdant radical, Essai sur les hommes de la terreur. Ce texte est prémonitoire car il touche au point commun entre l'idéologie nazie, qu'il décrit, et le terrorisme islamiste, apparu après lui. Dans les deux cas, contrairement aux déclarations réitérées, il ne s'agit pas d'instaurer un régime durable (IIIème Reich ou Califat), mais d'entraîner le reste du monde dans son annihilation. Les objectifs annoncés ne sont que des prétextes, des fictions. De même que les islamistes proclament leur mépris de la vie, les nazis ne craignaient pas la disparition du peuple allemand. Dans les deux cas, l'auteur de l'acte criminel ou suicidaire se met à l'abri de toute sanction, puisqu'il est entraîné dans la mort avec son ennemi. Tous les déclassés, les vaincus et les victimes ne deviennent pas des perdants radicaux. Seuls ceux qui crient "Vive la mort!" imitent en l'inversant la position solitaire, égocentrique, du gagnant radical, qui croit pouvoir surpasser tous ses prédécesseurs en termes de pouvoir et de richesse.

Ces guerriers autodestructeurs, qui sont aussi nécessairement génocidaires, assument leur position de perdants en rendant les autres responsables de leurs propres échecs. Plus ils se rapprochent de leur perte, et plus ils sont fanatiques. Leur fuite dans un fantasme d'hyper-puissance exclut quelque discussion ou négociation que ce soit. Ils ne peuvent finir que dans la surenchère, l'effondrement, l'extermination et le suicide collectif.