Selon Peter Szendy, les "tubes", ces mélodies obsédantes, sont des "inthymnes" (p77), des hymnes intimes qui d'une part se ressemblent tous, mais d'autre part font appel au sujet en tant qu'unique et singulier. Ce sont en même temps des marchandises musicales dont le contenu est équivalent, indifférent, et des morceaux d'intimité qui envahissent le for intérieur. On peut comparer leur inconsistance à celle de la monnaie qui n'est qu'un équivalent général (une valeur d'échange sans valeur d'usage). Ces chansons ne valent rien par elles-mêmes, mais elles circulent, elles survivent. En ne chantant rien d'autre que leur propre renommée, en s'autocommémorant, elles se prêtent à la pure structure de l'échange. En résumant une tranche de vie, voire toute une existence en quelques clichés, elles délivrent leur affect le plus propre : un bouleversant ennui (p88).

Un tube qui fait le tour du monde, comme Around the World (les Daft Punk, 1997) [voir ci-contre une image du clip], prolifère doublement : en tant que marchandise, et dans la psyché. Il devient une charnière, une articulation, entre la reproduction à l'infini du lieu commun et le secret censuré qui reste en nous, entre la reprise d'un cliché et la crise, l'épreuve de soi.