Analysant, lors de sa parution, le livre de Laplanche et Pontalis Vocabulaire de la psychanalyse, Nicolas Abraham fait observer que des mots comme Plaisir, Ça, Moi, Economique, Dynamique, Instinct, Pulsion "s'arrachent littéralement au dictionnaire et au langage". A partir du moment où ils sont mis en rapport avec l'inconscient, ce noyau de l'être, on ne peut plus les utiliser selon les tournures de la parole et de l'écriture habituels. Prenant l'exemple du plaisir (au sens courant, écrit ici en minuscule), on ne peut pas le confondre avec [le symbole] Plaisir car le plaisir peut être vécu au présent, tandis que le Plaisir n'est pas présent - il peut au contraire se manifester par un symptôme pénible, une souffrance ou un déplaisir. Le symbole ne signifie rien, il précède la possibilité même de la signification. La distinction entre les deux révèle l'"antisémantique scandaleuse" qui caractérise la psychanalyse. Ces figures absentes des traités de rhétorique, Nicolas Abraham les appele anasémiques. Considérés sous l'angle d'un empirisme naïf, ces symboles créés par Freud sont des non-sens. Ils ne tirent leur validité théorique que de délégués ou de représentants du noyau commme le fantasme, le sexuel, les zones érogènes. En effet le noyau lui-même est anasémique. Ce qu'on appelle Sexe ou Phallus dans le noyau (refoulé) ne peut pas être confondu avec le sexe ou la virilité (pris en charge par le moi).